Les Tontons Flingueurs
Montauban :
Fernand Naudin
(FN) et un de ses employés (E)
FN : C'est quand même pas la première fois non ?
E : J'dis pas qu'c'est la première fois que vous montez à
Paris m'sieur Fernand, j'dis que ça tombe mal. Si le Morvan est frisquet vous
avez une couverture à l'arrière et Germaine a mis du thé dans le Thermos.
FN : Pourquoi pas de la quinine et un passe montagne ? On
dirait vraiment que je pars au Tibet.
E : M'sieur Fernand, la foire battra pas son plein avant
dimanche, si vous pouviez quand même être là ?
FN : Je t'ai déjà dis que j'en avais pour quarante huit heures
maximum - Et puis enfin bon Dieu quoi vous avez quand même pas besoin de moi
pour aligner dix tracteurs dans un stand non ? Hein ? Tâchez plutôt qu'elle
tombe pas en panne comme la dernière fois.
E : Qu'est ce qui a été en panne ?
FN : La dépanneuse.
E : Oh, m'sieur Fernand !
Paris :
Fernand Naudin
(voix off)
Louis de retour; présence indispensable. Présence indispensable. Après
quinze ans de silence y en a qui poussent un peu quand même. Quinze ans
d'interdiction de séjour. Pour qu'il abandonne ses cactus et qu'y revienne à
Paris faut qu'y lui en arrive une sévère au vieux Louis. Ou qu'il ait besoin de
mon pognon ou qu'y soit tombé dans une béchamel infernale.
Salle de bowling :
Fernand (FN)
Henri (H)
H : Et ben ma vieille tu nous fait attendre. La route a pas
été trop toque ?
FN : Ben suffisamment.
H : Ca fait plaisir de te revoir. Le mexicain commençait à
avoir des impatiences.
FN : Ah parce qu’il est revenu, c'est pas un char ?
H : Oh ben je me serais pas permis.
FN : Avoue que ça fait quand même une surprise non ?
H : Des surprises t'es peut-être pas au bout, viens.
Chambre du mexicain :
En plus : Pascal
(P), Louis le mexicain (L)
H : C'est Fernand.
P : M'sieur Fernand est là.
L : Oui qu’il entre, qu'il entre. Et ben c'est pas trop tôt,
j'ai cru que t'arriverais jamais, ou bien qu't'arriverais trop tard.
FN : Ben tu sais neuf cent bornes faut quand même les
tailler.
L : Ca fait quand même plaisir de te revoir vieux voyou.
FN : Moi aussi.
L : Et j'ai eu souvent peur de clamser là bas au milieu des
macaques sans avoir jamais revu une tronche amie. Et c'est surtout à la tienne
que je pensais.
FN : Ben tu sais moi aussi c’est pas l'envie qui me manquait
d'aller te voir, mais on fait pas toujours ce qu'on veut hein ? Ben et toi,
j'ai pas entendu dire que le gouvernement t'avait rappelé. Qu'est ce qui t'a
pris de revenir ?
L : Merci toubib, merci pour tout. Henri, dis leur de monter.
FN : Tu crois pas qu'y vaut mieux, quand même ...
L : Me coupe pas sans quoi on aura plus le temps. Henri, fais
tomber cent sacs au toubib.
FN : Bon alors qu'est ce qui se passe Louis ?
L : Je suis revenu pour canner ici et pour me faire enterrer
à Pantin avec mes vioques. Oui les Amériques c'est chouette pour prendre du
carbure, on peut y vivre aussi, à la rigueur, mais question de laisser ses os,
hein, y a que la France. Ouais je décambutte bêtement et je laisse une
mouflette à la traîne. Patricia. C'est d'elle que je voudrais que tu t'occupes.
FN : Et ben dis donc t'en as de bonnes toi.
L : T'as connu sa mère, Suzanne Beausourire.
FN : T'es marrant dis donc c'est plutôt toi qui l'as connu.
L : Et au point de vue oseille je te laisse de quoi faire ce
qu'il faut pour la petite. J'ai des affaires qui tournent toutes seules. Maître
Folas mon notaire t'expliquera. Enfin tu sais combien ça laisse une roulette;
soixante pour cent de velours !
FN : Et sur le plan des emmerdements trente six fois la mise !
Hein. Non écoute Louis, ta môme, tes affaires, tout ça c'est bien gentil mais
moi aussi j'ai des affaires tu comprends, et les miennes en plus elles sont
légales.
L : Oui j'ai compris quoi ! Les potes c'est quand tout va
bien.
FN : Ca va pas toi dis hein ! J'ai pas dit ça.
L : Non, non t'as pas dit ça, t'as pas dit ça mais tu
livrerais ma petite Patricia aux vautours. Oh, oh mon petit ange !
FN : Ton petit ange, ton petit ange hein ...
L : Oui oh maintenant que t'es dans l'honnête tu peux pas savoir le nombre
de malfaisants qui existent, le monde en est plein. Y vont me la mettre sur la
paille, ma petite fille, la dépouiller, enfin tout lui prendre. J'l'avais faite
élever chez les sœurs moi, apprendre l'anglais, enfin tout quoi ! Résultat elle
finira au tapin et ce sera de ta faute hein, t'entends ce sera de ta faute !
FN : Ecoute arrête un peu hein ! Depuis plus de vingt piges que je te
connais, je te l'ai vu faire cent fois ton guignol alors hein ! Et à propos de
tout, de cigarettes, de came, de nanas; la jérémiade ça a toujours été ton truc
à toi; une fois je t’ai même bichonné alors tu vas quand même pas me servir ça
à moi non ?
L : Si, ben tu te rend pas compte vieux saligaud qu'elle va perdre son père
Patricia, que je vais mourir !
FN : Oh je te connais tu en es capable ! Voilà dix ans que t'es barré, tu
reviens, je laisse tout tomber pour te voir et c'est pour entendre ça ? Et moi
comme une bonne...
L : Entrez
L : Dis donc Théo tu aurais pu monter tout seul.
T : Si sa présence doit vous donner de la fièvre.
L : Chez moi quand les hommes parlent les gonzesses se
taillent.
A : Je t'attends en bas.
T : A tout de suite.
L : Voilà, je serai bref, je viens de céder mes parts à
Fernand ici présent, c'est lui qui me succède.
R : Tu m'avais promis de m'en parler avant.
L : Exact, j'aurais aussi pu organiser un référendum, mais
j'ai préféré faire comme ça. Pas d'objections; parce que moi, j'ai rien d'autre
à dire. Je crois que tout est en ordre ! Non ?
L : Pascal. ! Oh Pascal !
FN : Louis ! Enfin Louis quoi merde ! Pascal !
L : Je vais plus vous retenir longtemps.
FN : Mais déconne pas Louis !
L : Je sais de quoi je parle.
FN : Tu veux pas que je t'ouvre la fenêtre un petit peu ? Hein
? Merde ! Tu vois y fait jour.
L : D'ici on voit que le ciel, et je m'en fous du ciel, j'y
serai dans peu de temps. Non ce qui m'intéresse c'est la rue. Y m'ont enfilé
directement de l'avion dans l'ambulance, j'ai rien pu voir. Dis donc ça a dû
drôlement changer ? Hein ?
FN : Tu sais pas tellement quoi.
L : Et ben raconte quand même.
FN : Et ben c'est un petit matin comme tu les aimes, comme on
les aimait quoi; les filles sortent du Lido tiens ! Pareil qu'avant ! Tu te
souviens c'est à cette heure là qu'on emballait.
Dans le bowling :
FN : Si un jour on m'avait dit qu'y mourrait dans son lit
celui là !
T : (En allemand) "La vie d'un homme entre le ciel et la
terre passe comme le saut d'un poulain blanc franchissant un fossé. Un éclair
et c'est fait" Chine, quatrième siècle avant Jésus-Christ.
H : On naît, on vit, on trépasse !
Paul : C'est comme ça pour tout le monde.
R : Pas forcément. Enfin je veux dire on meurt pas forcément
dans son lit. Ben voyons.
FN : Dis donc j'tiens plus en l'air moi; t'aurais pas une bricole
à grignoter là ?
H : Bien sûr.
FN : C'est à toi ça ?
H : Sers-toi.
R : Y a vingt piges le mexicain tout le monde l'aurait donné
à cent contre un flingué à la surprise. Mais cet homme là ce qui l'a sauvé
c'est sa psychologie.
Paul : Tout le monde est pas forcément aussi doué.
P : La psychologie y en a qu'une défourailler le premier.
T : C'est un peu sommaire mais ça peut être efficace.
R : Le mexicain ça a été une épée, un cador, moi j'suis
objectif, on parlera encore de lui dans cent ans. Seulement faut bien
reconnaître qu'il avait décliné, surtout de la tête.
Paul : C'est vrai que sur la fin y disait un peu n'importe
quoi. Il avait comme des vaps, des caprices d'enfant.
FN : Merci Henri.
R : Enfin toi qui y a causé en dernier tu as sûrement
remarqué.
FN : Remarqué quoi ?
R : T'as quand même pas pris au sérieux cette histoire de
succession ?
FN : Quoi fallait pas ? Ben j'ai eu tort.
Paul : Ben et voilà ! Tu vois Raoul c'était pas la peine de
s'énerver, monsieur convient.
R : Y en a qu'abuseraient de la situation, mais mon frère et
moi c'est pas notre genre; qu'est ce qu'on peut faire qui t'obligerait ?
FN : Décarrer d'ici ! J'ai promis à mon pote de s'occuper de
ses affaires. Puisque je vous dit que j'ai eu tort, là ! Seulement tort ou pas
tort, maintenant c'est moi le patron, voilà !
H : Pascal !
Paul : Ecoute, on te connaît pas. Mais laisse nous te dire que
tu te prépares des nuits blanches, des migraines, des nervous break-down comme
on dit de nos jours.
FN : J'ai une santé de fer. Voilà quinze ans que le vis à la
campagne, que je me couche avec le soleil et que je me lève avec les poules.
H : Y a du suif chez Tomate, trois voyous qui chahutent la
partie. Les croupiers ont les foies pour la caisse y demandent de l'aide.
FN : Ca arrive souvent ?
T : Jamais.
P : Ca doit pouvoir se régler à l'amiable.
H : Si tu tiens à regagner ta province rapido t'aurais
intérêt à aller voir. Ce serait toujours ça de gagné, c'est sur ton chemin.
R : Oh les Volfoni.
H : T'inquiète pas.
T : La bave du crapaud n'empêche pas la caravane de passer.
H : Tchao !
FN : Dis donc ça te gène pas qu'on y aille ensemble ?
P : C'est pas que vous gêner, monsieur Fernand, mais je ne
sais pas si ça va bien vous plaire.
FN : Ouais ben ça je te le dirai.
A : A ton avis, c'est un faux caïd ou un vrai branque ?
T : Pour moi c'est rien du tout, un coup de téléphone, et
dix minutes après il existe plus.
Dans la voiture :
P : J'admets qu'y ont l'air de deux branques, mais j'irais
pas jusqu'à m'y fier non ? C'est quand même des spécialistes; le jeu y ont
toujours été la dedans les Volfoni brothers. A Naples, à Las Vegas, partout où
y a des jetons à racler y tenaient le râteau.
FN : Mais et l'autre là, le coquet ?
P : L'ami Fritz, lui s'occupe de la distillerie clandestine.
FN : C'est quand même marrant les évolutions. Quand je l'ai
connu le mexicain, y recrutait pas chez tonton.
P : Vous savez ce que c'est non ? L'âge, l'éloignement. A la
fin de sa vie, y s'était penché sur le reclassement des légionnaires.
FN : Ah, si c'est une œuvre alors là, là c'est autre chose !
Devant chez Tomate, dans le
parc :
P : Voilà, ici c'est chez tomate.
FN : J'm'attendais à quelque chose de plus important, mais
c'est un clapier !
P : D'après Tomate ce qui passionne le joueur, c'est le
tapis vert. Ce qu'il y a autour, y s'en fout, y voit même pas. Planque
toi !
P : A l’affût sous les arbres, y auraient eu leurs chances.
Seulement de nos jours il y a de moins en moins de techniciens pour le combat à
pieds. L'esprit fantassin n’existe plus; c'est un tort.
FN : C'est l’œuvre de qui d'après toi; les Volfoni ?
P : Ce serait assez dans leurs sales manières. Monsieur
Fernand, je serais d'avis qu'on aborde molo, des fois qu'on soit encore attendu
! Mais sans vous commander, si vous restiez un peu en retrait, hein ?
FN : N'empêche qu'à la retraite de Russie, c'est les mecs qui
étaient à la traîne qui ont été repassés.
Dans "la
ferme" :
Tom : C'est toi qui fait tout ce foin ?
P : Je m’excuse. Monsieur Fernand, le nouveau taulier.
Tom : J'étais pas au courant.
P : Comme ça tu l’es.
Tom : Je suis tomate, le gérant de la partie.
FN : Bonjour.
Tom : Enchanté. Mais qu'est ce que c'était que cette fusillade
? On ne se serait pas permis de vous flinguer sur le domaine.
FN : Et ben on s'est permis !
P : Tomate, tu devrais envoyer Freddy faire un tour, il y a
une charrette dans le parc avec deux gars dedans, ça fait désordre. Où sont les
autres ?
Tom : Quels autres ?
P : Ben les mecs qui faisaient du scandale.
Tom : Du scandale ici ? J'aimerais comprendre.
P : Moi aussi.
FN : Quoi mais c'est pas vous qui avez téléphoné ?
Tom : La nuit a été tout ce qu'il y a de normal.
P : Qu'est ce que c'est que cette embrouille ?
FN : Le numéro d'Henri ?
P : Balzac quarante-quatre zéro cinq.
Vue sur le bowling :
FN (voie off) : Maintenant Henri y peut plus expliquer les choses, à
personne. Trois morts subites en moins d’une demi-heure, ah ça part sévère les
droits de succession !
Dans la maison du
mexicain :
Fernand, Pascal,
Maître Folas (MF), Jean (J), Patricia (Pat)
P : Le mexicain l'avait acheté en viager à un procureur à la
retraite, après trois mois, l'accident bête, une affaire...
J : Welcome sir ! My name is John ! Please.
P : Il est mort il y a deux heures; on aurait pu être là
plus tôt, mais on a été retardé, une espèce de contestation. Et puis Henri
s'est fait descendre.
MF : Les Volfoni. Quand le lion est mort, les chacals se
disputent l'empire. Enfin on peut pas demander plus aux Volfoni qu’aux fils de
Charlemagne ! Maître Folas, notaire.
FN : Bonjour monsieur.
MF : Heureux de vous accueillir; j'aurais préféré bien sûr
que ce soit dans d'autres
circonstances. Vôtre chambre est prête, le mexicain avait donné des ordres.
FN : Oui ben, vous êtes gentil, je vous remercie, mais ce qui
m'arrangerait surtout c'est si on pouvait régler nos affaires dans la journée
quoi.
MF : Vous étiez l'ami de Louis depuis longtemps ?
FN : Depuis toujours !
J : Mademoiselle va avoir du chagrin.
MF : Ah non stop sujet interdit. Attention messieurs pas de fausse
note, la volonté du défunt est formelle; pour Patricia le plus longtemps
possible son papa se porte comme un charme et joue les centaures quelque part
dans les sierras mexicaines, mal desservies par la poste ce qui explique son
silence.
P : Bon, je dois partir; Maître Folas sait toujours où me
joindre; j'habite chez ma mère.
FN : Merci.
MF : Je suis bien content que vous soyez là vous savez; parce
que moi avec la petite, j'y arrive plus. C'est peut-être parce que je la
connais depuis trop longtemps. Pensez, c'est moi qui l'ai tenu sur les fonds
baptismaux alors.
J : Une belle cérémonie, mademoiselle était déjà ravissante,
MF : Dites moi mon ami, si vous montiez les bagages de
monsieur Naudin ?
J : Yes sir !
FN : Dites moi si ça vous fait rien j'aimerais qu'on aborde
un petit peu les choses sérieuses; parce que les caprices d'une gamine c'est
bien beau ça, mais on va pas s'en faire pour ça non ? On est bien d'accord ?
MF : Je m'en fais pas, je m'en fais plus, maintenant vous
êtes là, c'est vous que ça regarde.
FN : Comment ça moi ?
MF : Et bien vous avez accepté de vous occuper d'elle non ?
FN : Ben Oui.
MF : A la bonne vôtre mon cher. Vous allez connaître tout ce
que j'ai connu, les visites aux directrices, les mots d'excuse, les billets de
renvoi...
FN : Vous allez quand même pas dire que mademoiselle Patricia
s'est fait éjecter non ?
MF : Oh de partout mon cher, Mademoiselle n'a jamais tenu
plus de six mois, juste le temps d'user les patiences. Oui vraiment je suis
content que vous soyez là !
FN : Oui ben pas pour longtemps, parce que ça va changer et
vite, hein, c'est moi qui vous le dit. Parce que ce que je vais lui trouver y
va falloir qu'elle y reste, croyez-moi, ou sinon je vais la filer chez les
dresseurs, les vrais, la pension au bagne avec le réveil au clairon et tout le
tutim. Non mais sans blagues !
MF : Et bien faut le lui dire à elle.
FN : Mais je vais lui dire tout de suite, où est elle ?
MF : Elle dort, elle a organisé une petite sauterie qui nous
a entraîné jusqu'à trois heures du matin.
J : Your room is ready, sir !
MF : Y veut dire que votre chambre est prête.
FN : Dites moi y picole pas un peu votre british ?
MF : Oh la la, et puis il est pas plus british que vous et
moi. C'est une découverte du
mexicain.
FN : Il l'a trouvé où.
MF : Ici, il l'a même trouvé devant son coffre fort, il y a
dix-sept ans de ça. Avant d'échouer devant l'argenterie, l'ami Jean avait
fracturé la commode Louis XV; le mexicain lui est tombé dessus juste au moment
où l'artiste allait attaquer les blindages au chalumeau.
FN : Je vois d'ici la petite scène.
MF : Vu ses principes, le patron pouvait pas le donner à la
police, ni accepter de régler lui-même les dégâts. Résultat Jean est resté ici
trois mois au pair, comme larbin, pour régler la petite note, et puis la vocation
lui est venue, le style aussi, peut-être également la sagesse. Dans le fond
nourri, logé, blanchi, deux costumes par an, pour un type qui passait la moitié
de sa vie en prison.
FN : Il a choisi la liberté quoi !
Salle de bains de
Fernand :
Fernand, Patricia
(P)
P : Oh c'est drôle, je vous voyais plus grand, plus bronzé.
Mais c'est pas grave. Vous êtes bien l'oncle Fernand ?
FN : Ben oui.
P : On pourrait peut-être s'embrasser ? Ca se fait.
FN : Ah bon, ben alors si ça ce fait, ben allons-y. Dites
donc, heureusement que je viens de me raser hein !
P : Papa m'avait annoncé votre arrivée.
FN : Quand ça ?
P : Dans sa dernière lettre, il y a bien un mois. Ca vous
étonne ?
FN : Euh non; oh non !
P : Il y avait trois pages, rien que sur vous, vos
aventures, vos projets; sans compter tout ce que vous avez fait pour lui.
FN : Dis moi, euh, tu sais j'aimerais bien avoir du thé, du
pain, du beurre et peut-être des œufs au bacon aussi, hein, tu voudrais pas
t'occuper de ça en bas ?
P : Du thé à sept heures du soir ?
FN : Ben c'est à dire qu'en ce moment je suis un tantinet
décalé dans mes horaires, oui.
P : Ah bon ! Oh, au fait ça a dû être quelque chose la fois
où vous l'avez sorti du fleuve ?
FN: Qui ça?
P : Ben papa. Il m'a annoncé dans sa lettre :
« Fernand m'a sorti d'un drôle de bain. » Ce qu'il a oublié de me
dire c'est quel fleuve c'était.
FN : Ecoute, euh, sois gentille, moi je meurs de faim, alors
vas t'occuper de mon petit en-cas, tu veux ?
P : Vous ne voulez pas me répondre ?
FN : Mais c'est pas que je veux pas, mais comment tu veux que
je me rappelle moi, hein, là-bas des fleuves t’as que ça, à droite, à gauche,
devant, derrière, partout, et bourrés de crocodiles en plus. Voilà t'es
contente maintenant ? Bon, alors maintenant va et laisse moi finir ma toilette
et puis on parlera après hein ; parce que, Patricia, tu t'en doutes il faut
quand même qu'on parle.
P : Oui mon oncle !
FN : Qu'on parle de choses sérieuses.
P : Oui tonton. Ca ne vous ennuie pas que je vous appelle
tonton ? Vous en avez tué beaucoup ?... Des crocodiles ?... Et là-bas y a que
ça devant, derrière, à droite, à gauche, partout ! Bon, et bien je vais
m'occuper de votre thé.
Dans l'entrée de la
maison :
MF : Puisque la fermeté a l'air de vous réussir, je vous
donner l'occasion de vous distinguer.
FN : Et à propos de quoi ?
MF : D'argent, d'argent qui ne rentre pas ! Depuis deux mois
les Volfoni n'ont pas versé les redevances de la péniche; Tomate a plus d'un
mois de retard, et Théo, etc. ...
FN : Mais qu'est ce que c'est, une révolte ?
MF : Non sire, une révolution ! Personne ne peut plus rien.
FN : M'enfin ces mecs là auraient quand même pas la
prétention d'engourdir le pognon de ma nièce non ?
MF : On dirait.
FN : Le mexicain était au courant ?
MF : Ah non; non surtout pas. C'était un homme à tirer au
hasard, sans discernement. Alors les ragots dans la presse, si c'était tombé
sous les yeux de la petite, vous voyez ça d'ici !
FN : Ce que je vois surtout c'est que si on doit arriver à
flinguer, vous préférez que ce soit moi qui m'en charge, hein, c'est ça ?
MF : Un tuteur, c'est pas pareil !
FN : Ca ce guillotine aussi bien qu'un papa.
MF : Mais qui vous demande d'intervenir personnellement ?
Nous avons Pascal. Je le convoque ou pas ?
FN : Si je devais pas être à la foire d'Avignon dans
quarante-huit heures, je dirais non. Mais je suis pris par le temps. Et puis je
reconnais que c'est jamais bon de laisser dormir les créances et surtout de
permettre au petit personnel de rêver.
A : Vous parlez de rêver, rêvez-vous en couleur ? Antoine
Delafoy le plus respectueux, le plus ancien, le plus fidèle ami de Patricia. Je
vous connais Monsieur et je vous admire.
FN : Ah.
A : Patricia vous évoque, vous cite, vous vante en toute
occasion; vous êtes le gaucho, le centaure des pampas, l'oncle légendaire.
FN : Moi elle m'a jamais parlé de vous.
A : Ah ben elle a pas eu le temps, mais ça ne fait rien je
ferai donc mon panégyrique moi - même. C'est assez édifiant et souvent assez
drôle car il m'arrive de m'attribuer des mots qui sont en général d'Alphonse
Allais et des aventures puisées dans la vie des hommes illustres.
FN : Il est toujours comme ça ?
P : Absolument pas, c'est son côté agaçant, il faut qu'il
parle. En vérité c'est un timide. Je suis sûre que vous serez séduit quand vous
le connaîtrez mieux.
FN : Ah parce que en plus monsieur séduit !
A : J'séduis pas, j'envoûte ! Never mind, John. I'll do it.
J : Thank you sir.
A : Pour en revenir à vos rêves en couleur, savez vous que
Borowsky les attribue au
phosphore qui est contenu dans le poisson ? Moi je préfère m'en tenir à
Freud, c'est plus rigolo. Qu'est ce que vous en pensez ?
FN : Rien, je ne rêve pas en couleur, je ne rêve pas en noir,
je ne rêve pas en blanc, je ne rêve pas du tout, je n'ai pas le temps.
A : Ben je vous déconseille l'eau, ce serait un crime, il a
dix ans d'âge.
P : Tonton est débordé par ses affaires.
A : Vous viendrez bien avec nous demain soir ?
FN : Et où ça ?
A : Y demande où ça, oh Dieu qu'il est drôle ! Francky
Milles jouera pour la première fois demain à Pleyel. Corelli, Beethoven,
Chopin, tout ça c'est très dépassé, c'est très con. Mais avec Milles ça peut
devenir féroce, tigresque. Vous voyez tout le monde y sera.
FN : D'accord, d'accord, je sais que c'est la coutume
d'emmener l'oncle de province au cirque, et je vous remercie d'ailleurs d’y
avoir pensé, mais vous irez sans moi. Moi demain à sept heures je ne serai pas
loin de Montauban, quand à mademoiselle Patricia, elle sera à ses études. Nous
sommes bien d'accord Patricia ?
P : Oui tonton.
A : Je crois que tu as raison, faut pas le brusquer.
Dans l'entrée :
FN : Qu'est ce qui se passe encore ?
MF : Notre ami va se faire un plaisir de vous l'expliquer.
P : Les Volfoni ont organisé à la péniche une petite réunion
des cadres, façon meeting si vous voyez ce que je veux dire. Enfin quoi on
parle dans votre dos.
FN : Et tu tiens ça d'où ?
P : J'peux pas le dire, j'ai promis, ce serai mal.
FN : Alors ?
MF : Et bien euh... Il y a deux solutions; ou on se dérange,
ou on méprise. Oui évidement, n'importe comment une tournée d'inspection ne
peut jamais nuire, bien sûr.
FN : Et ben on va y aller !
P : Monsieur Fernand, il y a peut-être une place pour moi
dans votre auto; des fois que la réunion devienne houleuse; j'ai une présence
tranquillisante.
Dans le salon :
P : Vous préférez le foie gras pour commencer ou pour finir ?
FN : C'est à dire je le préférerais demain. Je suis obligé de
sortir, un conseil d'administration.
A : Quoi ! Vous n’allez pas dîner avec nous ? Moi qui venais
de dire à Jean de nous monter du champagne.
FN : Votre invitation me bouleverse. Merci quand même !
Fernand sort.
A : C'est du bidon !
P : Sûrement pas, il vient de Strasbourg, on le paie un prix
fou.
A : Non, je parle du conseil d'administration de ton oncle.
Si tu veux mon avis, l'oncle des pampas va courir la gueuse !
P : Tu crois ?
Dans la péniche :
Raoul (R), Paul,
Théo (T), Tomate ('Tom), madame Mado (MM)
R : Voilà quinze ans qu'on fait le trottoir pour le
mexicain. J'ai pas l'intention de continuer à tapiner pour son fantôme.
MM : Le trottoir, le tapin, c’est drôle ça on croirait que tu
cherches les mots qui blessent.
Paul : C'est des images.
MM : Les images ça m'amusait quant j'étais petite, j'ai passé
l'âge. J'dis pas que Louis était toujours très social, non, il avait l'esprit
de droite.
R : Oh, dis, hein !
MM : Quand tu parlait augmentation ou vacances, y sortait son
flingue avant que tu ai fini. Mais y nous a tout de même apporté à tous la
sécurité.
R : Ramasser les miettes vous appelez ça la sécurité vous ?
Vous savez combien y nous a coûté le mexicain en quinze ans, vous savez combien
qu'y nous a coûté ? Ah dis leur Paul, moi je peux plus.
Paul : A cinq cent sacs par mois rien que de loyer, ça fait six
briques par an; quatre vingt dix briques en quinze ans.
R : Plus trente brique de moyenne par an sur le flambe; vous
savez à combien on arrive ? Un demi-milliard. Et toi pareil pour la petite
ferme ! Ben dis que c'est pas vrai !
Tom : J'ai rien dit.
R : Et ben moi je dis que je lâcherai plus une thune. Et je
vous invite à tous en faire autant.
T : Vous invitez, vous invitez. C'est très aimable mais il y
a des invitations ...
R : Qu'est ce qui te gêne toi ?
T : Le climat ! Trois morts depuis hier. Si ça doit tomber
comme à Stalingrad. Une fois ça suffit. J'aime autant garder mes distances.
R : Dis donc t'essayerais pas de me faire porter le chapeau
des fois ? Faut le dire tout de suite, hein, faut dire monsieur Raoul vous avez
buté Henri, vous avez buté les deux autres mecs, vous avez peut-être aussi buté
le mexicain, et puis aussi l'archiduc d'Autriche ...
A l'extérieur de la
péniche :
Fernand, Pascal,
maître Folas, Léon (L)
P : Eh, Léon, c'est moi, Pascal.
L : J'arrive, qui est avec toi ?
P : Je suis avec le notaire.
L : Tu me dis que vous êtes deux vous êtes trois !
P : J'annonce les employés, pas le patron.
L : Possible, mais j'attends un ordre de monsieur Raoul.
MF : C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases
!
Dans la péniche :
R : Si vous marchez tous avec moi qu'est ce qui fera votre
Fernand, un procès ?
MF : Bonsoir messieurs, madame.
R : J'croyais pas t'avoir invité ?
FN : Mais t'avais pas à le faire, j'suis chez moi. Qu'est ce
que t'organises ? Un concile ? Tu permets ?
R : J'les avais réunis pour décider ce qu'on faisait pour le
mexicain, rapport aux obsèques.
FN : Si c'est des obsèques du mexicain dont tu veux parler,
c'est moi que ça regarde. Maintenant si c'est celles d’Henri, tu pourrais
peut-être les prendre à ta charge !
R : Ah non ça va pas recommencer, j'vais pas encore endosser
le massacre !
FN : On parlera de ça un peu plus tard. Pour l'instant on a
d’autres petits problèmes à régler figures-toi, alors priorité aux affaires. Je
commence par le commencement. Honneur aux dames. Madame Mado je présume ?
MM : Elle même.
FN : Chère madame, maître Folas m'a fait part de quelques
embarras dans votre gestion, momentanés j'espère; souhaiteriez vous nous
fournir quelques explications ?
MM : Des explications monsieur Fernand il y en a deux :
récession et manque de main d’œuvre. Ce n'est pas que la clientèle boude, c'est
qu'elle a l'esprit ailleurs. Le furtif, par exemple, a complètement disparu.
FN : Le furtif ?
MM : Le client qui venait en voisin. Bonjour mesdemoiselles
au revoir madame; au lieu de descendre maintenant après dîner, il reste devant
sa télévision pour voir si par hasard y serait pas un peu l'homme du vingtième
siècle. Et l'affectueux du dimanche, disparu aussi, pourquoi, voulez vous me le
dire ?
FN : Encore la télé ?
MM : L'auto, m'sieur Fernand, l'auto.
FN : Mais dites moi vous parliez de pénurie de main d’œuvre
tout à l’heure là.
MM : Alors là monsieur Fernand c'est un désastre. Un bonne
pensionnaire ça devient plus rare qu'une femme de ménage; ces dames
s'exportent; le mirage africain nous fait un tort terrible; et si ça continue,
elles iront à Tombouctou à la nage !
FN : Bien je vous remercie madame Mado, on recausera de tout
ça. Qui est ce le mec du jus de pomme ?
T : Ca doit être de moi dont vous voulez parler.
FN : Dis moi dans ta branche là, ça va pas très fort non
plus, hein ? Pourtant du pastis, vrai ou faux, on en boit encore.
T : Moins qu’avant. La jeunesse française boit des eaux
pétillantes et les anciens combattants des eaux de régime. Puis surtout il y a
le whisky.
FN : Et alors ?
T : C'est le drame, ça le whisky ...
B : Dis donc je le connais pas celui là, il est nouveau ?
P : C'est le petit dernier de chez Beretta. Je te le
conseille pour le combat de près, et puis pour les coups à travers la poche
dans le métro, dans l'autobus... Mais note hein faut en avoir l'usage sans ça
au prix actuel on amorti pas.
B : Le prix s'oublie, la qualité reste. C'est pas l'arme de
tout le monde. Tu as ça par qui ?
P : Par l’oncle Antonio.
B : Le frère de Berthe ?
T : Tout ça pour vous faire comprendre monsieur Fernand que
le pastis perd de l'adhérence chaque jour. Le client devient dur à suivre.
FN : Tu sais c'est un petit peu dans tous les domaines
pareil, hein. Moi si je te parlais motoculture. Oui enfin !
MM : J'espère qu'il est encore chaud.
FN : Merci. Bien, et maintenant à nous. Dans votre secteur
pas de problèmes, le jeu a jamais aussi bien marché.
R : Que tu dis !
FN : Ce qui vous chagrine c'est la comptabilité. Vous êtes
des hommes d'action je vous ai compris et je vous ai arrangé votre coup.
R : T'arranges, t'arranges, si on était pas d'accord ?
FN : Tu vas voir que c'est pas possible, j'ai adopté le
système le plus simple. Tiens, regarde : on prend les chiffres de l'année
dernière et on les reporte.
R : Arrête toi.
Tom : L'année dernière on a battu des records.
FN : Et ben vous les égalerez cette année. Vous avez l'air en
pleine forme là; gais, entreprenants, dynamiques.
R : Et en plus y nous charrie; c'est complet !
FN : Pascal !
P : Oui monsieur Fernand.
FN : Tu passeras à l'encaissement chez ces messieurs sous
huitaine.
R : C'est ça et puis si on paye pas tu nous butes ?
P : Eh ! Monsieur Raoul.
FN : Bien ! Messieurs, il ne me reste plus qu'à vous remercier
de votre attention. Madame.
R : Bastien, raccompagne ces messieurs.
Fernand, Maître
Folas et Pascal sortent.
MM : Toi Raoul Volfoni on peut dire que tu en es un.
R : Un quoi ?
MM : Un vrai chef.
R : Mais y connaît pas Raoul ce mec ! Y va avoir un réveil
pénible ! J'ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter que le sang
coule, mais maintenant c'est fini. J'vais le travailler en férocité, le faire
marcher à coups de lattes. A ma pogne je veux le voir. Et je vous promet qu'y
demandera pardon, et au garde à vous !
FN : J'avais oublié; les dix pour cent d'amende; pour les
retards.
R : Il a osé me frapper, y se rend pas compte !
A la maison, dans
l'entrée :
J : Bonsoir
MF : Cette petite fête m'a rajeuni de vingt ans. Monsieur
Naudin a quelque peu bousculé monsieur Volfoni senior.
J : Mes compliments monsieur.
FN : Qu'est ce que c'est encore que ça ?
J: Oh ...
Dans le salon :
A : Ah non ! Au moment où la petite flûte allait répondre au
cor; vous êtes odieux !
P : C'est vrai tonton, ces choses là ne se font pas.
FN : Patricia, toi je t'en prie, hein.
P : Qu'est ce qui vous arrive mon oncle ? Vous avez été
contrarié dans vos affaires ?
FN : Oh à peine. Si ça vous fait rien monsieur Delafoy,
j'aimerais bien avoir une petite explication; mais remettez d'abord vos
chaussures, vous êtes ridicule.
A : Qu'est ce que vous voulez que je vous explique cher
monsieur ?
FN : Tout ça ! Lumière tamisée, musique douce et vos godasses
sur les fauteuils; Louis XVI en plus !
A : La confusion peut encore s'expliquer, mais les termes
sont inadéquats.
FN : Ah parce que c'est peut-être pas du Louis XVI !
A : Non, c'est du Louis XV. Remarquez, vous n'êtes pas tombé
loin ! Mais surtout les sonates de Corelli ne sont pas de la musique douce.
FN : Oui, ben pour moi c'en est ! Et je suis chez moi !
A : Oh ! J'aime ça ! La thèse est osée mais comme toutes les
thèses parfaitement défendable. Nous allons donc si vous le voulez bien
discuter de la musique par rapport au local, de l'élixir et du flacon, du
contenu et du contenant.....
FN : Patricia mon petit, je ne voudrais pas te paraître vieux
jeu et encore moins grossier, l'homme de la pampa, parfois rude, reste toujours
courtois, mais la vérité m'oblige à te le dire, ton Antoine commence à me les
briser menu !
A : Si nous parlions de moi pendant que vous dînerez ?
FN : Toi tu vas monter dans ta chambre.
P : Bonne nuit Antoine !
FN : Et quand à vous brillant jeune homme ...
A : Ne vous donnez pas la peine, je connais le chemin.
FN : Oui ben justement, y faudrait voir à l'oublier. Hein !
A : C'est pas du tout gentil oncle Fernand.
FN : Monsieur Fernand s'il vous plaît. Allez hop !
A : Soit, les manières y gagneront ce que l'affection y
perdra.
FN : Et ben c'est ça, on s'aimera moins ! Allez !
P : Vous m'avez terriblement déçue. Vous n'avez pas été
gentil avec Antoine.
FN : Oui ben j’ai fait ce qu'aurait fait ton père figure toi.
Il n'a jamais pu supporter les voyous, là.
P : Antoine un voyou ? Antoine est un grand compositeur, il
a du génie.
FN : Oui et ben les génies ne se baladent pas pieds nus
figure toi. Hein.
P : Et Sagan ?
Dans la salle à
manger :
P : Bonsoir
FN : Mais vous êtes louf non ? Qu'est ce que c'est que ces
façons d'arriver en pleine nuit par le jardin ?
P : On voulait pas sonner à cette heure là. Réveiller toute
la maison. Si la demoiselle se posait des questions, à cet âge là, on imagine
...
B : Et puis en plus on avait à vous parler.
FN : Vous je vous ai déjà vu quelque part.
B : Tout à l'heure, chez les Volfoni, j'étais de l'autre
côté.
FN : Bon, ben asseyez vous, je suis en train de becqueter.
P : Alors là on est vraiment confus. Voilà; si on est venu à
deux, y a une raison. Bastien, c'est le fils de la sœur de mon père; comme qui
dirait un cousin direct. Vous saisissez la complication monsieur Fernand ?
FN : Non, pas encore.
B : Forcement, t'as pas donné à monsieur Fernand mes
références. Première gâchette chez Volfoni; cinq ans de labeur, de nuit comme
de jour, et sans un accroc.
P : Vous la voyez ce coup là l'embrouille ? Dans le monde
des caves on appelle ça un cas de conscience; nous on dit un point d'honneur.
Entre vous et les Volfoni, y va faire vilain temps. En supposant que ça tourne
à l'orage; Bastien et moi on est sûr de se retrouver face à face, flingue en
pogne, avec l'honnêteté qui commande de tirer. Ah non, un truc à décimer une
famille.
FN : Ouais, je vois, vous voulez boire un coup ?
B : Ah non, non merci, jamais entre les repas.
P : Ah non plus, chez nous c'est la règle : santé, sobriété.
B : On en a trop vu qui se sont gâté la main aux alcools.
FN : Ecoutez, moi je peux rien vous reprocher. Les histoires
de famille ça c'est comme les croyances, ça force le respect. Bon, alors qu'est
ce que vous proposez ?
P : Bastien a donné sa démission à monsieur Raoul.
FN : Et la tienne va suivre.
P : Je peux pas faire moins monsieur Fernand, faut
comprendre.
FN : Je comprends.
(voie off) Ouais, quand la protection de l'enfance coïncide avec la
crise du personnel, faut plus comprendre, faut prier.
Dans la maison :
FN : Et si la vieille définition n'avait pas tant servie à
propos de Racine et de Corneille, nous dirions que Bossuet a peint Dieu tel
qu’il devrait être et que Pascal l'a peint tel qu'il est. Et ben dis
donc ! Comment ! Y t’ont donné que seize sur vingt ! Alors permet moi de
te dire qu'y s'y vont un peu fort parce que moi là je t’aurais donné plus.
P : Vous êtes très gentil mon oncle.
FN : Non Patricia mon enfant mercredi dernier quand je suis
arrivé nous dérivions et le navire faisait eau de toutes parts ...
J : On demande monsieur au téléphone. Un appel de Montauban.
L'interlocuteur me semble, comment dirais-je, un peu rustique, le genre
agricole.
FN (au téléphone) : Allô, oui, oui c'est moi; ça va, ça va; alors ? Hein;
oui; et ben si je suis pas rentré vendredi c'est que j’ai pas pu. Et bien je ne
sais pas moi, huit jours, peut-être quinze. Et bien y a qu'a faire le
nécessaire. M'enfin c'est quand même formidable, à chaque fois que je
m'absente, c'est toujours pareil, y faut toujours qu'y ait des histoires. Et
ben démerdez vous !
J : ... et Pascal l'a peint tel qu'il est. Et ben moi
j'aurais mis à mademoiselle vingt sur vingt, et en cotant vache !
P : Vous êtes gentil .
MF : Vous savez combien y reste au compte courant ?
FN : Non.
MF : Soixante mille, six briques !
FN : Mais qu'est ce que ça veut dire ? Y aurait du coulage ?
MF : Du coulage ? Oh c'est bien plus simple. Il y a que
l'argent qui devait rentrer sous huitaine, n'est toujours pas rentré. Il y a
que l'éducation de la princesse, cheval, musique, peinture etc. ... atteint un
budget élyséen. Et y a que vos dépenses somptuaires prennent des allures
africaines. Allô, oui, oui, il est là, une seconde.
FN : Qui est-ce ?
MF : Justement, Raoul Volfoni.
FN : Ah tout de même !
Au téléphone : Allô ! Alors on a enfin compris, on casque !
R : Tu fais de l'obsession, t'es la proie des idées fixes.
Je te téléphone seulement pour t'avertir qu'à la distillerie y sont en plein
baccarat, tu devrais t'en occuper, c'est ton rôle grand chef.
FN : Mais de quoi tu t'occupes ?
R : Tu vois comme t'es injuste, on cherche à t'obliger t'es
encore pas satisfait.
Dans la distillerie :
Tom : Tu crois que Raoul sera tombé dans le piège.
T : Il aura pas résisté à la joie d'annoncer une mauvaise
nouvelle à l'autre imbécile.
Tom : C'est étonnant que le butor ait pas déjà téléphoné.
T : Y a des impulsifs qui téléphonent, y en a d'autres qui
se déplacent. Et voilà !
Tom : Et c'est Volfoni qui portera le chapeau.
T : T'es rassuré ?
Tom : Ouais.
T : En voilà un qui est pratiquement sorti du bal. Maintenant
ce n'est plus qu'une affaire de patience. Dans un mois les Volfoni ... Et les
affaires du mexicain ça deviendra Théo, Tomate et compagnie. Planque ça. Tes
mégots à la pommade rose, un homme de cromagnon pourrait trouver ça bizarre.
Voilà voilà, on arrive. Aller, dans cinq minutes, vous filez.
Au pied de la
distillerie :
FN : Alors, ça vient oui ?
T : Voilà, j'arrive. Vous monsieur Fernand ?
FN : Ben quoi, ça a l'air de t'épater.
T : Raoul Volfoni est ridicule, je lui avais demandé de
m'envoyer un chauffeur, pas de vous
déranger.
FN : De toutes façons, maintenant je suis là. Dis donc entre
parenthèses il est commode à
trouver ton coin là. Ca fait une plombe que je tourne autour.
T : La police tourne autour depuis dix ans, l'a jamais
trouvé ! C'est pour ça que je regretterai cet endroit.
FN : Pourquoi tu dis ça ?
T : Par .... désenchantement. Vous n'êtes jamais en proie au
vague à l'âme monsieur Fernand ?
FN : Ma foi j'en abuse pas non.
T : Vous n'avez peut être pas les mêmes raisons, vous avez
gagné la guerre, vous.
FN : Bon, d'accord, j'ai gagné la guerre, mais si je me suis
dérangé ce soir c'est pas pour défiler, hein ? Alors où est-ce que tu veux en
venir, qu'est ce qui se passe ?
T : Et bien voilà ce qui se passe. Un chargement tout prêt;
six millions de pastis. Un client qui attend tout ça entre onze heures et
minuit à Fontainebleau. Et bien nous ne livrons pas.
FN : Pourquoi, qu'est ce qui te gêne ?
T : Notre dernier chauffeur est parti hier pour le Sahara,
dans le pétrole; à cause des primes de
zone et des assurances sociales. Le goût de lucre, l'esprit nouveau.
FN : Un chauffeur ça se remplace non ?
T : Monsieur Fernand, le transport clandestin ne réclame pas
seulement des compétences, mais de l'honnêteté. Contrairement aux affaires
régulières, on paie comptant, en liquide; ça peut tenter les âmes simples.
FN : Ben moi je vois qu'une solution; tu prends le bout de
bois et tu livres.
T : Faut pouvoir !
FN : Comment ça ?
T : La nuit, en plein milieu de la route, un homme armé, en
uniforme, qui agite une lanterne et qui crie halte. Qu'est ce que vous faites ?
FN : Ben je m'arrête bien sûr, je passe pas dessus.
T : Et bien; c'est pour ça que vous avez encore votre permis,
moi pas.
FN : Bon, les papiers du bahut sont en règle au moins oui ?
T : Tout est en ordre, mais monsieur Fernand vous prétendez
pas ...
FN : Quand y a six briques en jeu, je prétends n'importe quoi.
J'ai conduit des tracteurs, des batteuses, et toi qui parlais de guerre, ben
j'ai même conduit un char Patton.
T : C'est pas ma marque préférée.
FN : Ouais. Bon, ben dis donc j'aimerais bien savoir où je
livre moi, parce que Fontainebleau ben c'est grand.
T : Vous connaissez la pyramide ? Il y aura une Cadillac
noire arrêtée à l'embranchement de Melun.....
Sur la route :
Tom : Y devrait être passé; tu vois pas qu'y soit tombé sur un
barrage, ce cave; ça serait beau.
T : Y tient pas la moyenne, c'est tout. Avec les prétentieux,
c'est toujours pareil : moi je, moi je ... sur le terrain plus personne.
Tom : J'ai l'impression qu'on annonce monsieur Dugomier.
T : Je crois qu'y va le regretter son char Patton.
Tom : Mais qu'est ce que t'attends, allume-le. Ca va, filons,
ça va, ça va...
Dans la péniche :
R : Petit frère crois-moi, le monde moderne va vers la
centralisation.
P : Et Tomate, qu'est ce que t'en fais ?
R : Ben si y faut virer Tomate, on virera ; moi je connais
qu'une loi, celle du plus fort.
P : C'est une manie, qu'est ce qui te prends ?
FN : Vous êtes sur la pente fatale les gars, vous vous
endettez. Trois briques de camion plus six briques de pastis...
P : On peut savoir de quoi tu causes ?
FN : Une autre fois hein ?
P : Bon.
FN : Ce soir je suis pas d'humeur à bavarder figures-toi.
P : Bien.
FN : Tout m'irrite.
P : Bon, bon.
R : T'es toujours de cinquante pour cent dans l'affaire ?
P : Ben bien sûr.
R : Alors va ouvrir.
Devant la maison où il y a
une soirée :
Un invité : Convocation neuf heures; j'ai l'impression mon cher que
nous ne sommes pas en
avance. Vous êtes un ami de Pat ou un copain d'Antoine ? Je me demande s'il
la saute.
FN : Si qui saute qui ?
L'invité : Et bien Antoine, Patricia.
Dans la maison :
FN : Jean !
J : Une seconde monsieur.
A : Le cercle de famille s'agrandit.
Une invitée : Encore un peu Jean s'il te plaît.
J : Tu picoles trop toi, tu vas être ronde.
Invitée : Vas donc m'en chercher une autre bouteille s'il te plaît.
FN : Jean, où est Patricia ?
J : ...
FN : Et maître Folas ?
J : A la cuisine, il aide lui !
A : J'ai l'air de me cacher, c'est très désagréable.
P : Oncle Fernand !
FN : Ah te voilà toi ! Et c'est ça que tu appelles une petite
dînette au coin du feu dis, hein dis ! Alors tu vas m'expliquer une petit peu
maintenant hein !
P : D'où viens tu ?
FN : Euh; j'étais chez des amis.
P : Ah des anciens paras; vous avez évoqué le bon vieux
temps, reptation, close combat, et vous avez joué au lance flamme.
Un invité : Sec ou à l'eau ?
FN : Chez soi ça fait plaisir hein !
P : Oh je t'avais demandé la permission d'inviter des amis,
tu étais d'accord. Tu sais qu'ils sont tous d'excellentes familles. Celui qui
vient de t’offrir du scotch, tu sais qui c'est ? Jacques Le Tellier, le fils du
contre-amiral. Ecoute, tu tiens toujours à ce que je passe mon bachot, alors,
sois logique; oui ? Le bachot sans relations c'est la charrue sans les bœufs,
le tenon sans la mortaise, une nièce sans son petit oncle, bref c’est rien.
Avoue que tu n'avais jamais pensé à ça hein.
FN : C'est fini oui ?
P : Entre nous à quoi penses-tu en général ?
FN : A Montauban, on devrait jamais quitter Montauban !
Dans la cuisine :
MF : Charmante soirée n'est ce pas ? Vous savez combien ça va
nous coûter ? Deux mille
francs - nouveaux.
FN : Y en a qui gaspillent, et y en a d'autre qui collectent.
Qu'est ce que vous dites de ça hein ?
J : Faudrait encore des sandwiches à la purée d'anchois, y
partent bien ceux là.
FN : Le voilà votre encaissement en retard, et aggravé d'une
avance en plus. Les Volfoni ont essayé de me flinguer. Oui maître !
MF : C'est pourtant pas leur genre voilà.
FN : Oui et ben ça prouve qu'y ont changé de genre.
J : Quand ça change, ça change, faut jamais se laisser
démonter.
MF : Vous croyez qu'y oseraient venir ici ?
FN : Les cons ça ose tout, et c'est même à ça qu'on les
reconnaît.
Dans la salle :
P : T'es sur que tu t'es pas gouré de crèche ?
R : J'me goure jamais, en rien !
Une invitée : Scotch ou jus de fruits ?
R : Eh rien ! Si c'est notre pognon qu'y sont en train
d'arroser les petits comiques, ça va saigner. Dites donc mon brave.
J : Monsieur ?
R : Il est là votre patron ?
J : Qui demandez vous ?
P : Monsieur Fernand Naudin.
R : Monsieur Fernand, Fernand l'emmerdeur, Fernand
l'malhonnête, c'est comme ça que je l'appelle moi !
J : Si ces messieurs veulent bien me suivre.
R : Et comment ! Alors tu viens dis !
J : Si vous voulez vous donner la peine d'entrer.
Dans la cuisine :
R : Bougez pas, les mains sur la table. Je vous préviens
qu'on a la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours.
J : Si ces messieurs veulent bien me les confier...
R : Quoi ?
Pat : Ah mes enfants ! Nous sommes en panne de sandwiches. Tu
sais mon oncle, si tes amis veulent danser.
J : Allons vite messieurs. Quelqu'un pourrait venir, on
pourrait se méprendre et on jaserait. Nous venons déjà de frôler l'incident.
FN : Tu sais ce que je devrais faire. Rien que pour le
principe.
R : Tu trouves pas que c'est un peu rapproché ?
P : Quand je te disais que cette démarche ne s'imposait pas.
Au fond maintenant les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes
d'action; l'époque serait aux tables rondes et à la détente hein ? Qu'est ce
que tu en penses ?
FN : J'dis pas non.
R : Mais dis donc, on est quand même pas venu pour beurrer
des sandwiches.
P : Pourquoi pas ? Au contraire, les tâches ménagères ne sont
pas sans noblesse, surtout lorsqu'elles constituent le premier pas vers des
négociations fructueuses; hein ? Merci.
FN : Maître Folas; vous devriez planquer les motifs de
fâcherie.
P : Oh, monsieur Fernand !
FN : Je connais la vie monsieur Paul. Mais pour en revenir au
travail manuel là. Ce que vous disiez est finement observé; et puis ça reste
une base.
R : Ca c'est bien vrai, si on bricolait plus souvent on
aurait moins la tête aux bêtises.
Une invitée : Jean ! Ben où il est Jean ?
FN : Qu’est ce que vous lui voulez ?
Invitée : Y'a plus de glace et y'a plus de scotch !
FN : Maître Folas, donnez lui des jus de fruits, allez.
Invitée : Pas de jus de fruits, vos jus de fruits vous pouvez vous
les fou ...
MF : Allons mademoiselle ! L'oncle de Patricia vous dit qu'il
n'y a plus de scotch, un point c'est tout !
Invitée : Et bien y a qu'a en acheter - avec ça.
MF : Touche pas au grisby salope !
P : L'alcool à cet âge là !
FN : Ah non mais c'est un scandale hein !
R : Nous par contre on est des adultes, on pourrait
peut-être s'en faire un petit ; hein?
FN : Ah ça le fait est. Maître Folas ...
MF : Seulement le tout venant a été piraté par les mômes; qu'est
ce qu'on fait ? On se risque sur le bizarre ? Ca va rajeunir personne.
R : Ben nous v'la sauvés !
MF : Sauvés, faut voir.
J : Tiens, vous avez sorti le vitriol?
P : Pourquoi vous dites ça ?
MF : Eh !
P : Il a pourtant l'air honnête.
FN : Sans être franchement malhonnête, au premier abord, comme
ça, il a l'air assez curieux.
MF : Y date du mexicain, du temps des grandes heures.
Seulement on a du arrêter la fabrication, y a des clients qui devenaient
aveugles; alors ça faisait des histoires.
R : Aller ! Ah faut reconnaître ! C'est du brutal.
P : Vous avez raison, il est curieux hein ?
FN : J'ai connu une polonaise qui en prenait au petit
déjeuner. Faut quand même admettre que c'est plutôt une boisson d'homme.
R : Tu sais pas c'qui m'rappelle ? Cette espèce de drôlerie
qu'on buvait dans une petite tôle de Bienhoa pas tellement loin de Saïgon. Les
volets rouges. Et la taulière, une blonde comack ... Comment qu'elle s'appelait
non de Dieu ?
FN : Lulu la Nantaise.
R : T'as connu ?
P : J'y trouve un goût de pomme.
MF : Y’en a.
R : Et ben c'est devant chez elle que Lucien le cheval s'est
fait dessouder.
FN : Et par qui ? Hein ?
R : Ben v'la que j'ai plus ma tête.
FN : Par Teddy de Montréal; un fondu qui travaillait qu'à la
dynamite.
R : Toute une époque.
Dans la salle :
P : Tu boudes ?
A : Bouder, moi, tu plaisantes ? N'empêche que je commence à
en avoir assez moi des amours clandestines. S'embrasser par téléphone, même
deux fois par jour, c'est bien mignon, mais je suis un homme moi, tu comprends.
Tout ça à cause de ton oncle. Ecoute c'est vraiment trop bête, on dirait que
vous avez tous peur de lui. Mais je vais aller lui parler moi.
P : Tu vas lui parler de quoi ?
A : Je vais lui parler de notre mariage, de toi, de moi, de
nous.
P : Répètes un peu ce que tu viens de dire.
A : De toi, de moi.
P : Non, non, juste le premier mot, c'était le meilleur.
De nouveau dans la
cuisine :
MF : D'accord, d'accord, je dis pas qu'à la fin de sa vie Jo
le Trembleur il avait pas un peu baissé. Mais n'empêche que pendant les années
terribles, sous l'occup', eh, y butait à tout va; il a quand même décimé toute
une division de panzers. Ah !
R : Il était dans les chars ?
MF : Non ! Dans la limonade; sois à ce qu’on te dit !
R : Mais j'ai plus ma tête, j'ai plus ma tête !
MF : Il avait son secret, le Jo.
R : C'est où !
J : A droite au fond du couloir.
MF : Eh ! Eh ! Cinquante kilos de patates, un sac de sciure de
bois, y te sortait vingt-cinq litres de trois étoiles à l'alambic. Un vrai
magicien, Jo. Et c'est pour ça que je me permets d'intimer l'ordre à certains
salisseurs de mémoire, qu'y feraient mieux de fermer leur claquemerde. Ah !
P : Vous avez beau dire, y a pas seulement que de la pomme; y
a autre chose. Ce serait pas des fois de la betterave ? Hein !
FN : Si, y en a aussi.
Dans la salle :
R : On vous apprend quoi à l'école mon petit chat ? Les
jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment je le vois votre
avenir ? Vous voulez le savoir ?
P : Non, non, non, non ...
R : Ben je vais vous le dire quand même. Je vois une carrière
internationale, les voyages; l'Egypte par exemple, c'est pas commun ça
l'Egypte; Et pis ce qu'y a de bien là bas c'est que l'artiste est toujours gâté
!
A : Patricia ? Monsieur désire un renseignement ?
P : Non, monsieur me proposait une tournée en Egypte.
A : Hein ?!
R : Non, je disais l'Egypte, comme ça; j'aurais aussi bien pu
dire, euh, le Liban.
A : Je vois monsieur dirige sans doutes une agence de
voyages.
P : Mais non voyons chéri, monsieur fait la traite des
blanches. Tu sais que c'est courant. Allez, viens.
De nouveau dans la
cuisine :
FN : Je mangerais bien quelque chose de consistant, moi.
R : Dis donc elle est maquée à un jaloux ta nièce. J'y
faisais un brin de causette, le genre réservé, tu me connais; mousse et pampre;
v'la tout d'un coup qu'un petit cave est venu me chercher, les gros mots et
tout.
FN : Quoi ! Monsieur Antoine ! J'vais t'le faire franchir les
portes, t'le faire passer à travers ....
J : Je ne serais pas étonné qu'on ferme.
Dans la salle :
FN : Dehors tout le monde. Allez, il est temps d'aller faire
dodo; dehors ! Les familles françaises ça se respecte monsieur. Les foyers
c'est pas des bouiques; hein!
A : Je ne vois qu'une excuse monsieur à cet excès de familiarité
c'est l'excès de boisson.
FN : Oh, mais qui qu'a bu ? Hein ?
MF : Du jus de pomme.
FN : Le tact, moi monsieur Antoine ! Et dans la bonne humeur
encore; allez hop !
MF : Allez, allez, dehors, allez, on ferme !
FN : Allez, allez !
MF : Allez, allez, la sortie est par là; ouste. On retire sa
main de là. Et allez hop; allez, allez !
R : Barrez vous je vous dit, allez !
P : Allez, au lit tout ça !
MF : Et hop là!
FN : On causait de quoi ?
R : De notre jeunesse.
Dans la chambre de Fernand
le lendemain matin :
MF : Eh, oh, réveillez vous, réveillez vous !
FN : Mais qu'est ce vous faites là vous ?
MF : J'ai le regret de vous faire savoir que mademoiselle
Patricia ne s'est pas rendue à son cours ce matin.
FN : Quoi ?
MF : Patricia n’est pas allée au cours ce matin;
l'institution vient de téléphoner.
FN : Mais je vous garantis qu'elle va y aller à son cours;
elle va même y aller tout de suite, hein. Mais elle est partie ! Enfin c'est
pas possible !
MF : Vous avez connu sa mère.
FN : Quel rapport ?
MF : L'hérédité. Cette manie qu'elle avait la maman de
toujours faire la valise.
FN : Suzanne Beausourire a été élevée à Bagneux sur la zone,
et à seize ans elle était sujet vedette chez madame Reine; alors je vous répète
je vois pas le rapport.
MF : On pourrait peut être prévenir la police.
FN : Vous voulez que le mexicain se retourne dans sa tombe ?
Sa fille recherchée par les perdreaux ? Ah y a vraiment des jours où vous
déconnez ferme. Jean !
J : Monsieur ?
FN : Vous avez vu partir la petite vous ce matin ?
J : Oui monsieur comme d'habitude à huit heures.
FN : Et vous avez rien remarqué ?
J : Si monsieur, les valises.
FN : Comment, mais c'est maintenant qu'y me dit ça ! Ecoutez
c'est un monde ! Non mais c'est pas vrai ! Comment une môme s'en va soit disant
à l'école avec des valoches et vous vous trouvez ça naturel vous ?
MF : (en anglais) Continue comme ça et ça va être la fête à tézigue.
FN : Ah on peut dire que je suis secondé. Merci messieurs, merci;
ah oui ! Qu'est ce que c'est que ça ?
J : C'est le numéro du radio-taxi qu'elle a pris. Yes sir !
Dans le radio taxi en
question :
Fernand Naudin,
le chauffeur (C)
FN : Vous êtes sûr que c’est là ?
C : Un peu ! J'ai coltiné les bagages. La troisième baraque !
FN : Non mais elle est folle !
C : C'est ce qu'on a toujours tendance à croire chaque fois
qu'elles nous font la malle.
FN : Attendez moi, j'en ai pour cinq minutes.
C : Ah, j'aimerai mieux que vous appeliez un collègue. Si la
petite dame me voit j'aurai le vilain rôle; comprenez cafarder c'est pas beau !
Euh, six cinquante. Et puis nous, dans le métier, les ruptures, les
retrouvailles, toutes les fluctuations de la fesse, on préfère pas s'en mêler.
Moi, j'ai un collègue comme ça, heu, transporteur de cocus, il s'est retrouvé
criblé en plein jour, rue Godot, par une maladroite.
FN : Oui, ben ça va, ça va !
C : Voilà monsieur. Merci bien ! Merci. Hé, soyez quand même
pas trop dur.
Chez Antoine :
Antoine (A),
Patricia (P), Fernand (FN)
A : Oh non de dieu de nom de Dieu ! Mais où faut-il
s'expatrier mon Dieu pour avoir la paix ! Au Groenland, à la Terre de Feu.
J'allais toucher l'anti accord absolu vous entendez : absolu; la musique des
sphères. Mais qu’est-ce que j’essaie de vous faire comprendre, homme singe !
FN : Vous ... vous permettez ?
A : Ah non !
FN : Monsieur Delafoy, quand vous en aurez terminé avec vos
instruments de ménage.
A : Ah, j'attendais ça : mes instruments de ménage !
L'ironie du primate, l'humour Louis Philippard, le sarcasme Prudhommesque.
Monsieur Naudin, vous faites sans doute autorité en matière de bulldozer,
tracteurs et caterpillars, mais vos opinions sur la musique moderne et sur
l'art en général, je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoires
voilà ! Et encore, pour enfant ! J'ajouterai que m'ayant mis à la porte de chez
vous, je comprend mal...
FN : Où est Patricia ?
A : Je comprends mal disais-je, votre présence chez moi.
FN : Où est Patricia ?
P : Ici mon oncle. Bonjour.
FN : Mais enfin. Enfin Patricia mais, mais qu'est-ce que tu
fais là ? Mais, mais, qu'est-ce que ça
veut dire tout ça ?
P : Tu vois, je civette, je bain-marise, je ragougnâsse.
Bref, je donne à Antoine tout apaisement
dans l'avenir.
FN : Hein !
P : Logique non ? S'il doit passer sa vie avec moi !
FN : Passer sa vie ?
P : Naturellement, tu restes déjeuner avec nous. Chéri, heu,
tu devrais descendre chez l'italien, je crois que nous allons manquer de vin.
A : Oncle Fernand préfère le bordeaux ou le bourgogne ?
Hein. On prendra les deux.
P : Ca ne va pas ? Qu'est-ce que tu as ?
FN : Rien, je deviens louf c'est tout.
P : Oh, mon civet qui brûle. Tu peux venir tu sais.
FN : Ecoute Patricia, enfin qu'est-ce qui t'a pris de partir
comme ça, hein ? Et puis tu nous a fait faire un mauvais sang du diable quoi.
P : Qu'est-ce qui t'a pris de mettre Antoine à la porte ?
FN : Tu veux mon avis ?
P : C'est bien pour ça que je te le fais goûter.
FN : Et ben, il manque de vin. Non mais c'est pas de ça qu'il
s’agit. C'est c'est c'est c'est de mon avis sur ton Antoine.
P : Mon Antoine, tu ne crois pas si bien dire. Il m'épouse.
FN : Ah, non non non euh, Patricia attention ne nous
emballons pas hein. Et, d'abord est-ce que tu l'aimes. Bah, et est-ce que tu
l'aimes assez pour l'épouser.
P : Oh presque trop, c'est du gâchis. Ca méritait une
liaison malheureuse, tragique, quelque chose d'espagnol, même de russe. Allez,
viens donc boire un petit scotch va, ca te fera oublier ceux d'hier.
FN : J'ai rien bu, alors pas ça.
P : Alors, pourquoi as tu déambulé toute la nuit, tu as même
fait couler deux bains.
FN : Les nerfs ! Dis moi, tu tu comptes rentrer pas trop tard
? Oui et il faudrait pas que la future belle famille aille s'imaginer que que
nous menons une vie de bohème quand même. Parce que ton Antoine, il est bien
gentil avec ses airs, là, ah, mais tu vas voir qu'il va nous faire surgir une
famille comme tout le monde.
Plus tard :
A: Bref seul rescapé d'une famille ébranlée par les guerres
coloniales, les divorces et les accidents de la route : Papa, Adolphe Amédée
Delafoy, dit ”le Président". Un personnage ! Il collectionne les pendules
et le contraventions, les déceptions sentimentales et les décorations. Il les a
toutes, sauf la médaille de sauvetage; le plus belle selon lui, mais la plus
difficile à décrocher si on n'est pas Breton.
FN : Un homme curieux dites donc !
A : Un père. Adolphe Amédée témoigne en matière d'art de
perversions assez proches des vôtres ; défenseur de "puvitchavanne"
et de "rénald oann".
FN : Connais pas.
A : Eh! Luisi. A part ça, ce qu'il est convenu d'appeler un
grand honnête homme. Porté sur la morale et les soubrettes, la religion et les
jetons de présence. Vous connaissez sa dernière ? Il vient de se faire
bombarder vice président du Fonds Monétaire International.
FN: Oh?
P : A quoi penses tu ?
FN : Au Fonds Monétaire, c'est pas bête ça tu sais.
Dans la chambre de
Fernand :
MF - P : Happy birthday to you, happy birthday to you, happy
birthday Fernand, happy
birthday to you.
P : Bon anniversaire mon oncle.
MF : Joyeux anniversaire mon cher.
J : Good health and happiness Sir ... Santé et prospérité
Sir.
FN : C'est vraiment trop gentil.
P : On a apporté ça tout à l'heure. Expéditeurs Volfoni
Frères.
FN : On a beau avoir fait la paix, ça fait quand même quelque
chose. Oh, si, je dois dire que le geste est délicat.
P : Ah, c'est sûrement une pendule ... écoute.
Dans la péniche :
FN : Happy birthday to you, happy birthday to you, happy
birthday to you, happy birthday ...
P : Il est parti.
R : Non mais t'a déjà vu ça ? En pleine paix ! Il chante et
puis crac, un bourrepif ! Mais il est complètement fou ce mec. Mais moi les
dingues je les soigne. Je m'en vais lui faire une ordonnance; et une sévère. Je
vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver
éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi quand on m'en fait trop, je
correctionne plus. Pfuit ! Je dynamite, je disperse, je ventile.
Dans la serre du
mexicain :
P : On n'aurait pas dû venir.
R : Ta gueule ! Assures toi qu'il s'est recouché. Alors il
dort le gros con ? Ben il dormira encore mieux quand il aura pris ça dans la
gueule. Il entendra chanter les anges le gugusse de Montauban. Je vais le
renvoyer tout droit à la maison mère, au terminus des prétentieux.
Dans la clinique :
R : Fumier va, fumier ... Ah le fumier
Dans la maison du
mexicain :
FN : Enigme dans l'affaire du camion incendié : parmi les
bouteilles de pastis clandestin transportées par les fraudeurs, certaines
contenaient de l'essence. Evidemment, ça brûle mieux.
P : Oui, mais, Monsieur Fernand, ce que vous avez fait aux
Volfoni, c'est pas bien.
B : C'est surtout pas juste.
FN : Ah, elle est bien bonne celle là. Comment, y me
flinguent à vue, y me butent Henri ...
P : Justement pas ...
B : Heu, tss, tiens expliques toi !
P : Monsieur Fernand, si les Volfoni vous avaient seringué
vous et Henri, qui aurait été aux commandes ? Hein ?
B : Moi, première gâchette !
FN : Et c'était pas toi ! Dites donc, Théo, l'ami Fritz là, question
mentalité, quelle cote vous lui donnez ?
P : Bah, c'est pas du blanc-bleu.
FN : Ca t'ennuierais de faire une petite commission pour moi
?
P : Nous, si les Volfoni sont plus dans le tourbillon ...
B : Présenté comme ça, heu, la chose peut nous séduire ...
FN : Ben alors, vous pourriez passer voir Théo à sa campagne.
Il a sans doute besoin de parler, de causer ... Et vous qu'y connaît bien, ben,
y se confierait peut-être non ?
P : J'vois pas d'raison pour qu'y nous fasse des
cachotteries ...
B : J'vois pas non plus !
P : Ou alors, ce serait vraiment le goût d'taquiner ...
Cabine téléphonique :
P : Alors voilà Monsieur Fernand, on est passés à la
distillerie. Le Théo était pas là, on est tombés sur Tomate. Curieux non ?
FN : Qu'est-ce qu'y faisait là ?
P : Mais détendez vous Monsieur Fernand, il nous l'a dit ce
qu'il faisait là ...
Dans la distillerie :
T : Pauvre Tomate, je le voyais pas s'en aller si vite.
A : Comme ça on aura pas à le faire, puisque c'est par lui
qu'on devait clôturer.
T : C'est tout ce que t'a trouvé ? Tu comprends que si Tomate
est descendu, c'est que l'autre branque a compris et que ce sera bientôt notre
tour. Seulement maintenant, on a le droit pour nous.
A : Le droit ?
T : Légitime défense; avec moi ça pardonne pas.
Maison du mexicain,
balcon :
MF : Mon cher, nous avons de la visite !
Parc :
F : Comme effet de surprise c'est réussi, voilà qu'on se fait
flinguer.
T: Aheuu
Salon :
MF : Ouh, salaud !
FN : Je te demande pas si tu sait les ouvrir !
J : Je ne demande pas à monsieur, si monsieur sait s'en
servir.
J : Monsieur attendait quelqu'un.
FN : Ben, non.
MF : D'après monsieur, serait-ce une feinte de l'ennemi ?
Entrée :
D : Voulez vous m'annoncer auprès de monsieur Fernand
Naudin, je vous prie.
J : De la part de qui ? De la part de qui Monsieur ?
D : Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a mon ami ? Articulez !
J : De la part de qui Monsieur ?
D : Ah ! De la part du Président Delafoy, le père d'Antoine
Delafoy.
Salon :
J : Le Président Delafoy !
D : Puisqu'on ne m'annonce pas, je le ferai moi même :
Président Delafoy.
FN : Heu, hem, ha, ha !
D : Hé, hé, moi aussi Monsieur Naudin, je suis absolument
ravi de faire votre connaissance.
FN : Heu, ha, ha, ha, ha, ha !
D : Ha, ha, je vois que vous êtes habitué à mener les choses
rondement hein ?
FN : Ha, ha, ha, ha, ha, oui, hé, hé, hé, hé !
D : Ce n'est pas pour me déplaire d'ailleurs. S'aime
l’action, l'initiative; assurez vous, quand j'étais jeune, je jouais au hockey
sur gazon. Oh, grand Dieu ! Oh, fin XVIII ème, de Ferdinand Bertoux
! Peste ! Oh, à moins que ma future belle fille n'y tienne réellement, je
l'échangerais bien contre autre
chose, oh, hein.
FN : Oui, oui.
D : Pardonnez moi, j'anticipe, hé, hé, hé, hé ... Et bien
Monsieur, j'ai l'honneur de vous demander la main de votre nièce Patricia, pour
mon fils Antoine. Ah ! Ce oui est un cri du cœur, je n'en attendais pas moins.
Hé, hé. Mais, mais, et bien voilà, ha ! Cette maison est un ravissement, oh,
cette verdure, ce calme, oh. Monsieur ! Et puis, voyez vous, rien ne vaut ces
vieilles demeures de famille, ces greniers où nous avons joué enfants. Il me
semble avoir entendu ...
FN : Heu heu oui, c'est l'... C'est le jardinier qui tue des
taupes, ah James !
J : Monsieur ?
FN : Heu, voulez vous lui dire de faire moins de bruit s'il
vous plaît.
J : Heu, je vais essayer de lui faire comprendre, Monsieur.
D : Dites moi, c'est un héritage, un cadeau, un objet de
famille, mais ne me dites pas que vous l'avez trouvé à Paris, vous me tueriez !
FN : Quoi ?
D : Ca ! Ouh, oh mais, qu'est-ce que c'est ?
FN : Des termites.
D : Hein ?
FN : Des termites, ça bouffe tout les termites. L'ennui de
ces vieilles demeures où nous avons joué enfants !
D : Ouh !
FN : Eh, sales bêtes, heum !
Dans le parc :
F : Les horribles, séparément, ils sont déjà pas drôles,
j'suis pas pressé de connaître leur numéro de siamois !
T : Il faut bien admettre qu'exceptionnellement Dieu n'est
pas avec nous. Mais il ne sera pas dit que nous avons sorti le matériel pour
rien.
Devant la clinique :
T : Je te dis pas que c'est pas injuste, je te dis que ça
soulage !
Maison du mexicain, dans le
salon :
Fernand, le
tailleur (T)
T : Ah, parfait, absolument parfait. Et pourtant, une
jaquette, c'est difficile à porter, et Monsieur la porte à ravir ! Monsieur a
une morphologie de diplomate !
FN : Très bien, très bien. Soyez assez gentil de m'envoyer
votre facture le plus vite possible. Parce que je repars en province après
demain, hein ?
Maison du mexicain, salon :
FO : S'il vous plaît, ne bougeons plus, merci !
P : Mon oncle, c'est merveilleux, je n'aurai jamais pensé
que nous avions autant d'amis.
FN : Nous en avons encore beaucoup plus que tu ne le penses.
FO : Mademoiselle, s’il vous plaît.
P : Oui.
A : Vous avez l'air exceptionnellement détendu Oncle
Fernand, heureux de vivre.
FN : Ah, oui, ça vous pouvez le dire. Et puis maintenant que
ma mission de tuteur est terminée, et croyez moi ...
A : Oui.
FN : Et quant aux diverses affaires constituant la dot de
notre petite Patricia, votre cher Papa a accepté de les prendre en charge. Bon,
elles sont sans doute un petit peu particulières, mais enfin, euh quoi, avec un
vice-président du Fonds Monétaire à leur tête, ben moi, je pense que tout ira
bien.
A : Oui, oui, surtout avec Papa. Il ne comprend rien au
passé, au présent, rien à l'avenir, enfin rien à la France, rien à l'Europe,
enfin rien à rien, mais il comprendrait l’incompréhensible dès qu'il s'agit
d'argent, ah, ah, ah.
Maison du mexicain,
entrée :
FN : C'est pas du toc non ?
J : Monsieur Fernand ! Du vieux Paris !
FN : Ah !
P : Monsieur Fernand, Monsieur Fernand !
FN : Qu'est-ce qu'il y a ?
MF : Y'a du nouveau, Théo est reparu. Il est à la distillerie
avec tout son petit monde.
FN : Jean ! Ah bravo !
P : Mais Bastien monte la garde.
FN : Chut !
P : On aurait pu les flinguer sans douleur, mais on a pensé
que Théo vous revenait de droit. On a déjà vu des patrons se vexer.
FN : Bon, ben, heu, Jean, dites à mademoiselle que j'ai une
course urgente à faire, que heu, que je rejoindrai, heu, le cortège à l'église,
voilà, hein, voilà.
J : Pour ce genre de course, je conseille à Monsieur, si
Monsieur me permet, de ne pas partir la musette vide.
P : Oh, dis donc, tu m'a déjà vu pas emporter ce qu'il faut,
où il faut, et quand il faut.
J : Oh, excusez moi, Monsieur Pascal, mais des journées
comme aujourd'hui, on n'a plus sa tête!
MF : ... Bon maintenant on y va !
FN : Bon bon bon bon bon, non non non, ...., vous vous à
l'église hein, là !
Dans la distillerie :
B : Ils sont là, j'en ai déjà repéré trois. Y'en a peut être
d'autres.
P : Qu'est-ce qu'on fait Monsieur Fernand ? On attend qu'ils
sortent ? On fait un fermé ou un rabat ?
FN : Ah non, j'ai pas le temps d'attendre moi, je suis de
cérémonie à dix heures. Allez, allons-y, allez !
P : Bon
Intérieur de la
distillerie :
A : Les horribles, ils arrivent !
Extérieur :
P : Qu'est-ce que je vois là ? Ca !
B : Eh, j'l'avais pris en cas qu'il aurait fallu tirer en
rafales, des fois qu'y seraient tous sortis d'un coup ! Ta ta ta ta ta hop !
P : C'est marrant que t'aies gardé ce coté maquisard. T'es
pas en âge d'arrêter tes momeries ?
FN : Bon alors, c'est fini oui ! Puisque je vous dis que je
suis pressé, hein !
(fusillade)
B : Pascal, eh !
P : Ca y est !
(fusillade)
P : Patron !
FN : Oh, merde !
P : Avec la jaquette ça ira.
FN : Ca va ?
Eglise, portail :
FN : J'ai eu chaud !
Eglise, intérieur :
"Gloria Sanctus, Laudatibus, Lauda sanctus ...."
"Gloria Sanctus, Laudatibus .... "